Nelson Mandela, un sociodynamicien dans l'âme ?

"Nelson Mandela, un sociodynamicien dans l'âme ?" par Claire de Colombel.png

Pour introduire une formation à la sociodynamique j’ai récemment utilisé l’illustration de l’action de Nelson Mandela pour abolir l’apartheid en Afrique du Sud. Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point il appliquait les principes enseignés par Jean-Christian Fauvet.

Un projet clairement défini, ambitieux et long terme

Le projet de Nelson Mandela, c’est un projet de toute une vie : rassembler l’Afrique du Sud, quelle que soit sa couleur de peau, dans une véritable démocratie, où chaque homme représente une voix et où chaque voix compte autant que les autres. Cette ambition l’a guidé tout au long de sa carrière politique et de sa vie. Il n’en a pas dérogé, même dans les moments les plus difficiles, même quand tout semblait perdu. C’est un projet ambitieux, inspirant pour les personnes qui l’ont suivi, vaste... suffisamment vaste pour laisser de la place et des marges de manœuvre à chacun au sein de ce projet collectif.

Une observation des forces en présence

Nelson Mandela écoutait en permanence et sollicitait l’avis de chacun. Lors des réunions politiques qu’il organisait dans son QG (autour de la table de sa cuisine !), il laissait chacun parler avant de s’exprimer. Il était sûr ainsi de connaitre les avis de chacun et de comprendre les forces en présence. Cette pratique observée pendant son enfance dans sa tribu relève d’une sagesse toute sociodynamicienne ! Nelson Mandela faisait également la part des choses entre la personne et l’antagonisme que cette personne exerçait envers son projet. Dans son esprit, il n’y avait pas « les alliés de toujours » et « les opposants par principe », il était bien conscient que la synergie et l’antagonisme d’une personne sont relatifs à un projet donné, à un moment donné. Et qu’ils peuvent évoluer. Parmi ses amis, il comptait également ses anciens gardiens de prison...

Un appui fort sur sa « base »

Avant de lancer toute action, Nelson Mandela s’assurait du soutien de sa « base », de ses alliés. Par exemple, quand il a décidé de lancer des négociations avec le gouvernement de l’apartheid, ses proches alliés étaient à l’origine opposés à cette évolution tactique. Il s’est alors assuré de leur expliquer les raisons motivant son choix, il a pris le temps d’écouter leurs réticences, de faire évoluer ce qu’il avait prévu de faire, de les rallier progressivement à cette idée, de construire avec eux ces négociations... et ce avant d’entamer les discussions avec l’opposition. Autant d’actions qui montrent que Nelson Mandela soignait ses alliés avant de s’occuper des opposants à son projet.

Le rôle du « triangle d’or » des concertatifs

Il a aussi su s’entourer de personnes capables de critiquer son projet et ses initiatives. Cela lui a permis de ne pas être aveuglé par l’idéalisme, d’ajuster ce projet, de le rendre pragmatique. Dans la composition de son premier gouvernement, il a notamment inclus des personnes qui l’avaient envoyé en prison. Avoir des « avocats du diable » dans son entourage aide à renforcer et crédibiliser le projet.

« Connecter, connecter, connecter »

Nelson Mandela connectait chacune de ses actions à son ambition, les actions majeures comme les négociations menées avec le gouvernement en place, mais aussi les plus insignifiantes. Chaque action peut s’assimiler à une pierre posée sur le chemin de son ambition pour l’Afrique du Sud. Ses promenades en prison, tête haute et avec le sourire peuvent paraitre des actions insignifiantes... Pourtant il en a fait un acte politique, pour montrer aux opposants à son projet et à ses alliés que la lutte continuait, malgré son emprisonnement. Le faire une fois peut paraitre anecdotique, le faire tous les jours, même quand les choses vont mal, devient un symbole.

Renoncer pour mieux remporter

Enfin, Nelson Mandela savait renoncer pour mieux « vaincre ». A l’origine, l’un de ses objectifs était d’obtenir le droit de vote pour tous à partir de 14 ans. Il a accepté de repousser cette limite d’âge à 18 ans et en a fait un pivot pour avoir gain de cause sur son objectif fondamental : “un homme, une voix”. Ce n’était pas un pivote factice, car il y croyait vraiment mais il savait user de la négociation quand cela devenait nécessaire, aussi bien que de l’animation, et de l’imposition.

Cette relecture sociodynamique de Nelson Mandela n’était pas prévue au départ. Elle m’a donné l’envie de me replonger dans la vie passionnante de cet homme. Elle a remis en lumière les ressources incroyables de la sociodynamique, qui font qu’on en découvre un peu plus chaque jour !

Claire de Colombel est consultante pour Kea&Partners et administratrice de l’Institut de la Sociodynamique.